Grani est le cheval de Sigurðr. Compagnon de ses aventures, il lui permet notamment de franchir la muraille de flammes entourant la demeure de Brynhildr.

Grani sur le rocher de RamsundGrani sur le rocher de Ramsund (Mora, Södermanland) (Xe siècle).Dans la Völsunga saga, lorsque Sigurðr, qui est élevé à la cour du roi Hjálprekr, demande un cheval, le roi l'invite à en choisir un (ch.  13). L'introduction en prose des Reginsmál indique également que Grani provient du haras de Hjálprekr.

La Völsunga saga ajoute que Sigurðr rencontre alors un vieil homme avec une longue barbe qui lui conseille d'emmener les chevaux dans la rivière. Tous reviennent sur le rivage, sauf un. C'est celui que choisit Sigurðr. « Il était gris de couleur et jeune d'âge, très grand et beau. Personne ne l'avait monté. » Le vieil homme indique que ce cheval descend de Sleipnir, et qu'« il sera meilleur que les autres chevaux ». Sigurðr le nomme Grani. L'homme barbu était Óðinn (ch. 13).

Dans la Þiðrekssaga, Mímir propose à son fils adoptif Sigurðr, qu'il vient de tenter de faire tuer par un dragon, plusieurs présents en réparation, dont Grani, qui vit au haras de Brynhildr (ch. 167). Il est le frère de Fálka, Skemmingr et Rispa, « et bien meilleur qu'eux tous » (ch. 190).

Après avoir tué Mímir, Sigurðr se rend chez Brynhildr, qui lui offre le cheval. Toutefois, douze hommes ne parviennent pas à le saisir. En revanche, il s'approche de Sigurðr, qui parvient à lui passer le mors et à le monter (ch. 168).

Le motif du cheval indomptable, sauf par le héros, est donc présent, tant dans la Þiðrekssaga, que dans la Völsunga saga. Grani rappelle ainsi Bucéphale, le cheval d'Alexandre le Grand, dont l'histoire était connue en Allemagne (Alexanderlied) comme en Scandinavie (Alexanders saga)1.

Dès lors, Grani accompagne Sigurðr dans ses aventures.

Après la mort de Fáfnir, il porte l'or du géant (Völsunga saga, ch. 20 ; l'image figure également dans plusieurs poèmes eddiques).

C'est pourquoi Grani apparaît dans des kenningar désignant l'or, par exemple : « Grana fagrbyrði » : « beau fardeau de Grani », dans le Bjarkamál in fornu (str. 4), qui pourrait dater du Xe siècle et contenir, en conséquence, la plus ancienne attestation du nom Grani, ou, plus simplement, « Grana farmr » : « charge de Grani » dans la Sigurðardrápa de Þorvaldr blönduskáld (str. 2).

Grani sur le portail de la stavkirke de Hylestad Grani portant l'or de Fáfnir.
Portail de la stavkirke de Hylestad (Setesdal, Aust-Agder) (vers 1200).
Kulturhistorisk museum, Oslo.
La Völsunga saga ajoute que l'or était tellement abondant qu'il sembla à Sigurðr que deux ou trois chevaux n'auraient pas suffi à le porter. Grani refuse pourtant encore de se mettre en marche tant que son maître n'est pas monté sur son dos, un détail figurant également dans la conclusion en prose des Fáfnismál.

Puis, lorsque Gunnarr entreprend de demander la main de Brynhildr, son cheval refuse de franchir le mur de flammes qui entoure sa forteresse. Il n'y parvient pas davantage en montant Grani. C'est Sigurðr qui, ayant pris l'apparence de Gunnarr, réussit cet exploit sur le dos de Grani (Völsunga saga, ch. 23 ; plusieurs poèmes eddiques y font également référence).

Grani est capable d'émotions. Il est abattu quand Sigurðr languit d'amour pour Brynhildr (Völsunga saga, ch. 25), et triste, ainsi que le rapporte Guðrún, quand Sigurðr est assassiné (Guðrúnarkviða in forna, str. 5 ; le même récit figure dans la Völsunga saga, ch. 34) :

« J'allais en pleurant
parler avec Grani,
les joues mouillées
je demandais au cheval de parler ;
alors s'affaissa Grani,
baissa la tête dans l'herbe,
le cheval le savait,
son propriétaire ne vivait plus. »
 

Dans la Þiðrekssaga, après la mort de Sigurðr, Grani est offert en cadeau à Þiðrekr par Gunnarr, lors des noces d'Attila et de Grímhildr (ch. 358).

Le chagrin de Grani a inspiré à Leconte de Lisle deux strophes de « La Mort de Sigurd », l'un de ses Poèmes barbares (1862) :

« Femmes ! C’était hier ! Et c’est hier aussi
Que j’ai vu revenir le bon cheval de guerre :
La fange maculait son poil luisant naguère,
De larges pleurs tombaient de son œil obscurci.
 
D’où viens-tu, bon cheval ? Parle ! qui te ramène ?
Qu’as-tu fait de ton maître ? — Et lui, ployant les reins,
Se coucha, balayant la terre de ses crins,
Dans un hennissement de douleur presque humaine. »
 

Le nom Grani signifie « cheval », plus spécifiquement « cheval à la lèvre supérieure particulièrement poilue »2, de grön, « moustache ».

Grani est aussi un nom de personne : un scalde du XIe siècle se nomme ainsi, tout comme un compagnon d'Ormr et Ásbjörn dans l'Orms þáttr Stórólfssonar (ch. 7).

C'est encore un composant dans Hrosshársgrani (« Grani aux crins » ou « Moustache de crins ») et Síðgrani (« Longue moustache »), des noms d'Óðinn (respectivement dans la Gautreks saga, ch. 4 et 7 et dans les Alvíssmál, str. 6), ainsi que dans Kaldgrani ou Kallgrani (« Froide moustache »), un nom de géant dans les þulur.


1 Anderson, Theodore M. A preface to the Nibelungenlied. Stanford, Calif. : Stanford University Press, 1987. P. 54.
2 de Vries, Jan. Altnordisches etymologisches Wörterbuch. 2., verbesserte Aufl. Leiden : Brill, 1977.