L'Incendie de Copenhague est un roman de Gilles Lapouge, paru en 1995. Il suit la périlleuse mission de l'érudit Eggert Pétursson, personnage inspiré d'Árni Magnússon, chargé par le roi de Danemark de collecter les anciens parchemins islandais.

Couverture de L'Incendie de Copenhague de Gilles LapougeGilles Lapouge (né en 1923) est un journaliste et écrivain français.

Après des études d'histoire et de géographie, il devient journaliste. Pendant trois ans, il est rédacteur et grand reporter au Brésil à O Estado de S. Paulo. De retour en France, il collabore au Monde, au Figaro littéraire et à Combat. Il est apparu à la télévision aux côtés de Bernard Pivot (Ouvrez les guillemets, Apostrophes). Il dirige, sur France Culture, une émission sur les voyages, En étrange pays.

Auteur de romans, de récits de voyage, d'essais, il a reçu en 1990 le Prix Littéraire Prince Pierre de Monaco pour l'ensemble de son œuvre.

Paru en 1995 chez Albin Michel, L'Incendie de Copenhague a obtenu le prix Cazes.

Feuillet d'un manuscrit découpé pour servir de patronCe feuillet du manuscrit AM 122 b fol. a servi de patron pour un gilet : l'emplacement de l'encolure et de la manche ont été découpés.
Stofnun Árna Magnússonar, Reykjavík.
Le roman suit les trace du docteur Eggert Pétursson, gouverneur des « archives obscures » du roi et professeur d'antiquités danoises.

En 1702, il est chargé par le roi Frédérik IV de mettre de l'ordre dans les procès, les cadastres et la justice de l'Islande, dont il est originaire. Cette mission officielle en cache une autre, secrète : retrouver les anciens parchemins, dont nombre ont servi aux paysans à confectionner souliers et vêtements, car « l'Islande est ce pays qui s'habille avec sa propre bibliothèque ». Il est donc chargé de « prendre les sagas sur le dos des vieilles femmes, aux pieds des bébés, sur le derrière des laboureurs ».

De la résidence du gouverneur à Bessastadir aux landes désertes battues par la neige et le vent, Eggert Pétursson suit donc les traces des manuscrits, introuvables au point de se demander s'ils ont jamais existé. En effet, « l'Islande n'acceptait pas de se laisser déshabiller » et « voulait mourir dans son suaire de vélins ». « Les vélins sont des linceuls et [...] nul n'a le droit de violer un linceul, [...] le destin du linceul est de partager la mort et les vers de la chair que, tendrement, il occulte ».

Après bien des embûches, il parvient cependant enfin à ramener au Danemark trois caisses de parchemins, qu'il consacre des années à restaurer et à classer. Mais la plus grande partie est détruite dans l'incendie de Copenhague en 1728.

Portrait d'Árni MagnússonPortrait d'Árni Magnússon.
Pinacothèque de Müller, Det Kongelige Bibliotek, Copenhague.
Comme Arnas Arnaeus dans La Cloche d'Islande de Halldór Laxness (1943-1946)1, le personnage d'Eggert Pétursson est inspiré du collectionneur de manuscrits Árni Magnússon.

Comme Árni, Pétursson est un Islandais parti étudier au Danemark. Il est pareillement envoyé en 1702 en Islande par le roi pour y rétablir la justice et emploie son séjour à rechercher des manuscrits. Et lui aussi assiste, impuissant, à la disparition d'une partie de sa collection dans l'incendie de Copenhague.

Les correspondances entre fiction et réalité s'étendent aux détails : ainsi, l'un et l'autre ont été les disciples de Thomas Bartholin, et tandis qu' Árni a été secrétaire aux archives secrètes, Pétursson est conservateur des « archives obscures » du royaume.

Cela n'empêche naturellement pas l'auteur de s'inspirer librement des faits historiques.

Si Árni s'est heurté à des difficultés pendant son séjour, elles ont été suscitées par l'accomplissement de ses missions juridiques. Il ne s'est pas trouvé, comme Pétursson, face à une véritable conspiration visant à faire obstacle à la collecte des manuscrits. Celle-ci trouve son aboutissement dans le piège qui le conduit à être pris en flagrant délit d'adultère et condamné à six mois de forteresse au Danemark. Árni eut lui aussi à se défendre, lorsqu'il fut accusé, en 1703, par Magnús Sigurðsson d'avoir entretenu une liaison avec sa femme, Þórdís Jónsdóttir, mais l'issue du procès fut plus heureuse2.


1 Roman dont la troisième et dernière partie s'intitule d'ailleurs Incendie à Copenhague (Eldur í Kaupinhafn).
2 Hughes, Shaun F. D. The Re-Emergence of Women's Voices in Old Icelandic Literature. In : Cold counsel : women in Old Norse literature and mythology : a collection of essays. Ed. by Sarah M. Anderson with Karen Swenson. New York : Routledge, 2002. P. 104-105.