Grand voyageur, auteur de nombreux récits de voyages, le Belge Jules Leclercq (1848-1928) a aussi donné la première traduction française de plusieurs sagas.

Portrait de Jules Leclercq par Charles ThielPortrait de Jules Leclercq par Charles Thiel (1883).
Paris, Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie.
Né à Bruxelles en 1848, Jules Leclerc est un juriste de formation, qui fut successivement avocat, juge, puis vice-président, au Tribunal de première instance de Bruxelles, et enfin conseiller à la Cour d'appel.

Membre fondateur, en 1871, de la Société Royale Belge de Géographie, dont il occupa à de nombreuses reprises la présidence ou la vice-présidence, ami du journaliste et explorateur Henry Morton Stanley, il a effectué de nombreux voyages aux quatre coins du monde. Il en a tiré matière à vingt-deux récits de voyages, et à de multiples articles et conférences.

Paru en 1883, La Terre de glace, Féroë, Islande, les geysers, le mont Hékla rend ainsi compte de son séjour aux îles Féroé et en Islande à l'été 1882. L'auteur s'inspire, naturellement, de ses propres observations – « je raconterai l’Islande telle que je l’ai vue », assure-t-il dans l'avant-propos, mais s'alimente aussi à ses vastes lectures : relations de voyages de ses prédéceseurs, œuvres littéraires – les sagas, évidemment, essais d'histoire et de géographie…

Le mont Hékla dans La Vallée des geysers  de Jules Leclercq (1899)Les paysages islandais sont l'ocasion d'évoquer les sagas auxquelles ils ont servi de cadre, celle de « Gretté » ou celle de Njal, ou encore la Sturlunga saga. L'ouvrage s'achève par un chapitre intitulé « La Vieille Islande », exposé de l'histoire politique, littéraire et sociale de l'île, où est également rapportée la découverte de l'Amérique.

Ce voyage a confirmé la fascination de Leclercq pour l'Islande, et nourri, dans les années suivante, un programme de traduction.

En 1886, il publie ainsi Mythologie scandinave : légendes des Eddas, un panorma de la mythologie nordique, traduction abrégée du Norse mythology, or The religion of our forefathers (1875) de l'Américain d'origine norvégienne Rasmus Bjørn Anderson.

Il fait aussi paraître, en 1888 et 1893, six traductions de sagas dans le mensuel français la Revue britannique : Saga de Hrafnkell, Saga des Alliés, Histoire de Thórd le Terrible, Saga de Thorstein fils de Viking, Saga de Fridthjof le Hardi et Saga de Gunnlaug Ormstunga.

Vingt ans plus tard, L'Islande et sa littérature (1923), très bref aperçu de l'histoire du peuple islandais et de sa littérature, est accompagné d'une traduction de l'histoire de Gísli le Proscrit.

Cependant, Leclercq n'est spécialiste, ni de l'islandais, ni de la littérature médiévale.

Leclercq, La Saga de HrafnkellSes traductions reposent sur celles récemment parues en langue anglaise, œuvres de George Webbe Dasent, Rasmus Bjørn Anderson, John Coles ou William Morris et Eiríkr Magnússon.

Il s'agit du reste plutôt d'adaptations. L'auteur prend beaucoup de libertés par rapport aux textes : « nous n'avons pas cru devoir nous attacher de trop près au texte original », prévient-il – au point que la Hrafnkels saga Freysgoða est rebaptisée Saga de Hrafnkell prêtre de Thor (alors que la traduction de Coles se nomme bien The Story of Hrafnkell, Frey's Priest). D'une saga, il indique « n'en retenir que les faits saillants que nous avons reliés entre eux par quelques transitions ». Sont notamment omises les strophes scaldiques « qui perdraient trop à passer dans une autre langue ». « Le récit, ainsi réduit de moitié, n'en est que plus rapide et plus conforme au goût français », justifie-t-il.

La valeur de ces publications réside donc principalement dans la volonté de faire découvrir au public francophone une littérature et des œuvres qui lui étaient inconnues. Par cette entreprise, Leclercq « rejoi[nt] la lignée des passeurs francophones initiée par Xavier Marmier, Frédéric-Guillaume Bergmann, Edelstand du Méril, Rosalie du Puget… et perpétuée au tournant du siècle par Rodolphe Dareste et Félix Wagner1».

Jules Leclercq est mort à Schaerbeek en 1928.


1 Mossé, p. 29.

Sources

  • Cambier, René. Leclercq (Jules - Joseph). In : Institut royal colonial belge. Biographie coloniale belge. Vol. 1. Bruxelles : Librairie Falk fils, 1948. Col. 593-595.
  • Mossé, Marie. Représentations fin-de-siècle de l'homme du Nord dans La Terre de glace (1883) de Jules Leclercq. Convergences francophones, 3-1 (2016). P. 26-47.