La Nitida saga est une saga de chevaliers originale. Elle raconte une série d'aventures provoquées par le refus de Nitida, qui règne sur la France, de se marier.

Début de la Nitida saga dans le manuscrit islandais Lbs 1137 8voLe début de la Nitida saga dans le manuscrit islandais Lbs 1137 8vo (XIXe siècle).
Stofnun Árna Magnússonar, Reykjavík.
Nitida, qui est qualifiée de meykongr (littéralement « vierge-roi »), règne sur la France (Frakkland) depuis Paris (Paríssborg). À la fois sage et belle, elle est appréciée de son peuple, qui vit en paix et heureux.

Dans une première aventure, elle se rend dans une île située aux confins septentrionaux du monde, d'où elle ramène des pierres magiques.

La saga rapporte ensuite une série de demandes en mariage, par des princes venus de diverses parties du monde : Ingi, fils du roi de Constantinople (Miklagarðr), Heiðarlogi et Vélogi, les fils du roi du Serkland, Liforinus, fils du roi d'Inde.

Nitida les refuse toutes, provoquant la colère de ses prétendants, qui tentent de s'emparer d'elle par la force ou la magie.

Elle est ainsi enlevée par Ingi, avec l'aide d'une cape d'invisibilité, mais s'évade grâce à l'une de ses pierres magiques. Une deuxième tentative échoue également : Ingi n'enlève qu'une esclave, à qui Nitida a donné son apparence.

Heiðarlogi et Vélogi se rendent à leur tour en France, et tentent d'obtenir la main de Nitida par la menace. Mais elle les piège, et ils sont vaincus et tués avec tous leurs hommes.

Liforinus l'enlève grâce à un anneau magique, mais Nitida parvient une nouvelle fois à s'enfuir à l'aide d'une de ses pierres.

Soldán, le roi du Serkland, qui a appris la mort de ses fils, lève une armée pour les venger. Il est finalement vaincu grâce à l'intervention de Liforinus.

Ce dernier songe toujours à Nitida. Il passe l'hiver auprès d'elle sans en être reconnu (du moins le croit-il), grâce à un anneau magique. Il s'en fait apprécier, et elle accepte de l'épouser.

La nouvelle provoque la colère d'Ingi, et une nouvelle bataille. Liforinus vainc finalement Ingi en combat singulier.

La saga s'achève sur une triple noce : en plus de celle de Nitida et Liforinus, Ingi épouse la sœur de Liforinus, et Hléskjöldr, le compagnon d'enfance de Nitida, se marie avec la sœur d'Ingi. Elle s'accompagne d'un festin d'une magnificence telle qu'il « n'est pas facile à raconter avec une langue simple (« ófróðr », littéralement : « pas savante ») au bout du monde ».

Avec le personnage type du meykóngr, le motif de la quête nuptiale, les objets magiques, les batailles, les banquets, la géographie exotique1, la Nitida saga reprend les éléments traditionnels des sagas de chevaliers originales ou lygisögur.

Elle se distingue cependant par son traitement du personnage de meykóngr. Le meykóngr est une femme puissante – elle est à la tête d'un royaume, et indépendante – elle refuse le mariage. Mais, typiquement – le prototype apparaît dans la Clári saga, le meykóngr, non seulement rejette ses prétendants, mais les maltraite, aussi bien physiquement que psychologiquement (humiliations). Nitida se joue certes de ses prétendants, mais la cruauté est absente. Symétriquement, si les sagas de ce type finissent toujours par un mariage, la femme est généralement soumise et subit à son tour des humiliations. Mais c'est librement que Nitida choisit son époux. Il est du reste significatif que la Nitida saga soit la seule sage de ce type à porter le nom de son héroïne. Il a, en conséquence, été suggéré qu'elle constituait une « réponse délibérée » à la Clári saga2.

La saga pourrait avoir été composée au XIVe siècle, mais les deux plus anciens manuscrits contenant une partie substantielle du texte sont les manuscrits AM 529 4to (XVIe siècle), sur vélin et AM 537 4to (XVIIe siècle), sur papier, conservés à l'Institut Árni Magnússon de Reykjavík.

Il existe au total 66 manuscrits de la saga. Ils sont presque tous post-médiévaux, et les plus récents datent du début du XXe siècle. Ils témoignent d'une popularité forte et durable.

Bien que méconnue et peu étudiée, la Nitida saga est du reste aussi une œuvre appréciée aujourd'hui. Matthew Driscoll la classe ainsi parmi les meilleures lygisögur et écrit qu'elles sont « as finely wrought as anything written in Icelandic in the same, or arguably any, period, and every bit as worthy of our attention3».

Traduction

 

1 Sur la géographie de la Nitida saga et une interprétation possible, voir : Barnes, Geraldine. Margin vs. centre : Geopolitics in Nitida saga (A cosmographical comedy?). In : The fantastic in old Norse/Icelandic literature : sagas and the British Isles : preprint papers of the Thirteenth International Saga Conference, Durham and York, 6th-12th August, 2006. Ed. by John McKinnell, David Ashurst and Donata Kick. Durham : Centre for Medieval and Renaissance Studies, Durham University, 2006. Vol. 1, p. 104–12.
2 Bibire, Paul. From riddarasaga to lygisaga : The Norse response to romance. In : Les Sagas des Chevaliers : (Riddarasögur) : actes de la Ve Conférence internationale sur les Sagas (Toulon, juillet 1982). Ed. par par Régis Boyer. Paris : Presses de l'Université Paris-Sorbonne, 1985. P. 55–74 (p. 67).
3 Driscoll, Matthew. Late Prose Fiction. In : Old Norse-Icelandic literature and culture. Ed. by Rory McTurk. Malden, Mass. ; Oxford : Blackwell Publishing, 2005. P. 198.