La Tristrams saga ok Ísöndar (« Saga de Tristan et Iseult ») est une saga de chevaliers, traduction du Tristan de Thomas d'Angleterre. Elle aurait été commissionnée par le roi de Norvège Hákon Hákonarson et rédigée par Frère Robert en 1226.
Le prologue de la saga indique, en effet, que « 1226 années s'étaient écoulées depuis la naissance du Christ quand cette saga fut écrite en norrois, sur l'ordre et à la requête du vénérable roi Hákon. Frère Robert a établi le texte selon ses capacités et l'a rédigé de la façon suivante dans la saga qui va maintenant être racontée ».
Si la date fournie par le prologue est exacte, la Tristrams saga est le premier roman de chevalerie traduit en langue norroise et la première saga de chevaliers. Cette traduction, et celles qui l'ont suivie, résultent de la volonté du roi Hákon d'adapter sa cour et son pays au modèle continental, alors marqué par l'idéologie courtoise et chevaleresque.
La Tristrams saga est une traduction de la version de Thomas, dite « version courtoise », œuvre en vers écrite en anglo-normand au XIIe siècle. Seuls quelques fragments en subsistent. Toute tentative de reconstruction de l'œuvre de Thomas implique nécessairement une connaissance de la saga.
Il ne s'agit cependant pas d'une traduction littérale. Elle est en particulier très écourtée. Un épisode aussi central que celui du philtre d'amour est ainsi très succinctement rapporté. Frère Robert a également raccourci les longs dialogues, supprimé les monologues intérieurs. L'éclairage psychologique des personnages s'en trouve ainsi considérablement réduit. Ce faisant, Frère Robert se conforme à la construction traditionnelle des sagas, qui met l'accent sur l'action.
Le style, en revanche, tranche avec celui des sagas, avec son abondance d'ornementations rhétoriques : allitérations, rimes, parallélismes... Ces éléments sont ensuite devenus récurrents dans les sagas de chevaliers.
La saga a connu une grande popularité dans le Nord. En attestent la Tristrams saga ok Ísöddar, version islandaise datant du XIVe siècle. La saga a aussi inspiré des ballades, tant en Islande (Tristrams kvæði) qu'au Danemark (Tristram og Isold) ou aux Féroé (Tristrams táttur). Par ailleurs, plusieurs épisodes de la Tristrams saga se retrouvent démarqués dans d'autres sagas, qu'il s'agisse de sagas de chevalier (le motif de la statue dans la Remundar saga keisarasonar et la Þiðreks saga af Bern), de sagas légendaires ou de sagas d'Islandais (le serment ambigu dans la Grettis saga). La Tristrams saga a peut-être aussi exercé une influence sur les différentes sagas où l'amour tient une place particulière, comme la Laxdæla saga.
Les deux plus anciens manuscrits, sur parchemin, datent de la seconde moitié du XVe siècle (AM 567 XXII 4to et Reeves Fragment), mais il n'en subsiste plus que, respectivement, trois et un feuillets. Il existe également trois manuscrits sur papier. Le plus ancien (AM 543 4to), qui contient l'intégralité de la saga, date du XVIIe siècle.
Traductions
- Frère Robert. La Saga de Tristram et d'Ísönd. Texte traduit, présenté et annoté par Régis Boyer. In : Tristan et Yseut : les premières versions européennes. Édition publiée sous la direction de Christiane Marchello-Nizia. Paris : Gallimard, 1995. (Bibliothèque de la Pléiade).
- The saga of Tristram and Ísönd. Translated with an introduction by Paul Schach. Lincoln : University of Nebraska Press, 1973.
- Tristrams saga ok Ísöndar. Edited and translated by Peter Jorgensen. In : Norse romance. Vol. I. The Tristan legend. Edited by Marianne E. Kalinke. (Arthurian archives ; 3). Woodbridge : D.S. Brewer, 2012.