Heiðrun est la chèvre qui, du sommet de la Valhöll, broute le feuillage de Læraðr, et dont les pis procurent de manière inépuisable de l’hydromel aux einherjar.

Heiðrun broutant le feuillage de Læraðr dans le manuscrit SAM 66Heiðrun broutant le feuillage de Læraðr.
Illustration de l'Edda de Snorri dans le manuscrit islandais SÁM 66 (1765-1766).
Stofnun Árna Magnússonar, Reykjavík.
Elle est décrite dans les Grimnismál (str. 25) :

« Heiðrun se nomme la la chèvre
Qui se tient sur la halle1 de Herjaföðr2
Et broute les branche de Læraðr3;
Elle remplira une cuve
De pur hydromel
Cette boisson ne se tarit jamais. »
 

De son côté, Snorri dans son Edda (ch. 39), apporte des détails supplémentaires:

« La chèvre qui s'appelle Heiðrun se tient au sommet de la Valhöll et broute les feuilles des branches de cet arbre qui est très célèbre, qui s'appelle Læraðr, et de ses pis coule l’hydromel de telle sorte qu’elle remplit une cuve tous les jours. Elle est si grande que tous les einherjar peuvent y boire à satiété. »

Elle joue donc, pour la boisson, le même rôle que le sanglier Sæhrímnir, dont la chair se renouvelle sans cesse, pour la nourriture.

Heiðrun remplissant la cuve d'hydromel, Lorenz FrølichHeiðrun remplissant la cuve d'hydromel.
Dessin de Lorenz Frølich (1895).
Illustration de Den ældre Eddas gudesange, traduits par Karl Gjellerup.
C'est pour cette raison qu'une partie de la recherche ancienne l'a associée à des rituels de fertilité.

Une autre brève mention de Heiðrun figure dans le Hyndluljóð (str. 46). Dans ce poème, la géante Hyndla insulte Freyja, venue lui demander de l'aide pour l'un de ses protégés. La comparant à un animal en rut, elle l'accuse de courir dehors la nuit, à l'image de Heiðrún allant parmi les boucs.

De part son caractère nourricier, Heiðrun est parfois rapprochée de la vache primitive Auðumla, ou vue comme l'équivalente nordique d'Amalthée, la chèvre qui allaita Zeus dans la mythologie grecque.

L'étymologie est incertaine. L'élément -run (le sens premier du nom est « secret ») se retrouve dans bon nombre de prénoms féminins. Quant à heiðr, il peut s'agir d'un adjectif signifiant « clair » ou « brillant », ou d'un nom ayant pour sens « lande » ou « honneur ». Jan de Vries a, quant à lui, voulu y voir un mot désignant l'hydromel sacrificiel4.

Le nom Heidrun a été donné à un champ d'hydrocarbures norvégien situé en mer de Norvège.


1 Une image provenant peut-être des anciennes maisons islandaises, dont le toit était recouvert de gazon, et où les bêtes pouvaient paître, ainsi que l'a suggéré Ursula Dronke dans son commentaire des Grimnismál (The poetic Edda. Volume 3, Mythological poems II. Edited with translation, introduction and commentary by Ursula Dronke. New York ; Oxford : Oxford University Press, 2011. P. 129).
2 « Père des armées », c'est-à-dire Óðinn.
3 Généralement identifié à Yggdrasill.
4 de Vries, Jan. Altgermanische Religionsgeschichte. 3., unveränd. Aufl. Berlin : de Gruyter, 1970. Bd II, p. 384.