Depuis le temps de l'ancien fuþark germanique jusqu'au Moyen Âge, de nombreux procédés ont été imaginés pour dissimuler la signification d'inscriptions runiques.
Il peut s'agir d'une simple anagramme, comme la formule magique alu écrite lua sur les fûts de flèche de Nydam (Jutland, IVe siècle).
Un texte peut également être écrit à l'envers (même si les inscriptions runiques sont en général lisibles de gauche à droite, de droite à gauche ou alternativement dans un sens, puis dans l'autre). Ainsi, l'inscription finale de la pierre de Rimsø (Jutland, Xe siècle) ikam : tsrau : mas : iþua- doit être lue -auþi : sam : uarst : maki, soit « la mort [d'une mère] est le pire pour un fils ».
L'élision des voyelles intérieures est employée, par exemple, au dos de la fibule d'Etelhem (Gotland, fin du Ve siècle) : mk mrla wrta doit se lire mik merila worta, c'est-à-dire « Merila m'a fait », tandis que sur un panneau du coffret d'Auzon (Northumbrie, VIIIe siècle), le graveur a remplacé les voyelles par des formes de son invention.
Il est aussi fait usage d'abréviations. La première rune d'un mot peut se substituer au mot entier. En règle général, les mots abrégés sont ceux que le contexte permet aisément de reconstituer : un r pour runar, ou un f pour fahi (« peint »), par exemple. Ainsi, sur la bractéate de Raum Sønderby (Sjælland, 400-650) peut-on lire ek fakaR f, c'est-à-dire : « Moi, Fak, j'ai peint ».
Chaque rune portant un nom, une rune peut remplacer le nom auquel elle est associée (cette pratique se rencontre également dans les manuscrits). Sur la pierre de Steintoften (Blekinge, VIe ou VIIe siècle), hAþuwolAfz gAf j signifie « Haþuwulfar a donné des années prospères », car la rune j se nomme « (bonne) année ».
Le sens du message peut aussi être dissimulé par une disposition particulière des runes.
Dans les samstavsruner/-runor (littéralement « runes à haste commune »), les branches des runes sont gravées en partant d'une barre verticale unique.
Les runes peuvent aussi être disposées aux extrémités des bras d'une croix de Saint-André.
Pour écrire un message codé, une rune peut être utilisée pour une autre.
Une rune peut ainsi être remplacée par celle qui la suit ou la précède dans le fuþark. Un tel procédé était déjà utilisé à l'époque romaine.
Dans une inscription en nouveau fuþark, une rune peut encore être remplacée par la rune correspondante dans l'ancien fuþark.
Ces deux méthodes (et d'autres encore) sont employées sur la pierre de Rök (Östergotland, début du IXe siècle).
Les runes secrètes (lønruner en danois) font quant à elles usage d'un code reposant sur la division traditionnelle du fuþark en trois groupes (ættir).
Chaque rune est remplacée par un caractère permettant d'identifier à la fois son groupe et sa place au sein de celui-ci.
Classiquement, une barre verticale est utilisée, avec un nombre de branches représentant, d'un côté, le groupe, de l'autre la position de la rune. Ces runes sont appelées hahalruna (« runes crémaillère »), ou kvistunor en suédois (« runes à branches »).
Ce code se prête à une grande variété de présentations.
Des variantes encore plus inventives apparaissent sur des bâtonnets runiques datant de la période médiévale retrouvés à Bergen (Bryggen). Le groupe et la position de la rune ont pour support des corps de poisson (ils sont représentés sous forme de nageoires), des silhouettes humaines (ils apparaissent sous les bras) ou encore des visages humains (ils sont figurés par des poils de barbe).
Groupe et position peuvent être représentés par d'autres éléments que des traits, en particulier par des runes elles-mêmes (ou des caractères ressemblant à des runes, comme sur les fonds baptismaux de Norum). Dans ce cas, une série de runes indique le groupe, une autre la place.
Des runes différentes peuvent être utilisées.
Il est aussi possible d'employer la même rune.
La rune i , qui porte la nom iis (« glace »), a ainsi donné son nom aux iisruna, dans lesquelles elle est utilisée, tantôt courte, tantôt longue.
La même rune peut encore être gravée un certain nombre de fois dans un sens (groupe), puis dans l'autre (place).
Les raisons de recourir à des inscriptions cryptées apparaissent très variées, en plus de la volonté de dissimuler un message à certains tiers. Elles peuvent être d'ordre esthétique. Le graveur peut avoir voulu faire étalage de ses compétences. Le code pouvait donner une solennité particulière au texte. Le cryptage avait peut-être le pouvoir d'accroître l'efficacité des formules magiques (bien que les inscriptions à caractère religieux ne soient pas particulièrement concernées). Ces inscriptions peuvent avoir facilité l'apprentissage des runes. Des codes ont enfin pu être créés à titre de divertissement intellectuel.
La cryptographie runique a très tôt suscité l'intérêt. Un traité de runologie en latin, d'origine anglaise, connu sous le nom d'isruna tract, est ainsi conservé dans cinq manuscrits datés du IXe au XIe siècle, et de nombreux ouvrages analogues ont été rédigés au cours des siècles suivants, notamment en Islande, dont la Runologia de Jón Ólafsson (1752).
Cet intérêt ne se limite pas aux clercs, comme en témoigne le concours royal organisé en 1624 en Suède, qui offrait une prime à celui qui saurait décrypter les runes dites du Hälsingland. Ce n'est qu'en 1675 que le problème fut résolu par le mathématicien Magnus Celsius, qui découvrit que les runes employées étaient des runes sans branches (stavlösa runor).
La recherche actuelle continue d'étudier la cryptographie runique. C'est ainsi qu'en 2014, le runologue norvégien Jonas Nordby a déchiffré un code dénommé jötunvillur, qui repose sur le nom des runes : chaque rune est utilisée pour remplacer la lettre qui termine son nom. La rune þ, qui porte le nom þurs, est ainsi employée à la place de s.
D'autres codes restent encore certainement à déchiffrer.