La Hálfdanar saga Brönufóstra est une saga légendaire typique, mettant en scène les aventures de Hálfdan, qui bénéficie de la protection de la géante Brana.

Début de la Hálfdanar saga Brönufóstra dans le manuscrit AM 571 4toLe début de la saga dans le manuscrit islandais AM 571 4to (1500-1550).
Stofnun Árna Magnússonar, Reykjavík.
Hálfdan est le fils du roi de Danemark Hríngr, dont le royaume est conquis par une armée conduite par un bersererkr nommé Sóti, désireux d'épouser la princesse Íngibjörg.

Les deux enfants sont mis à l'abri par Þorviðr, un jarl du défunt roi, qui les envoie ensuite chez son frère, jarl au Bjarmaland.

À l'âge de douze ans, Hálfdan demande à partir en expédition, et le jarl lui fournit des navires. Mais, au retour, ils sont pris dans une tempête, et le dreki de Hálfdan échoue au Helluland.

Alors qu'il était parti chasser, Hálfdan découvre dans une montagne une caverne, dans laquelle un couple de trolls est en train de se nourrir de chair humaine et de la viande de cheval. Il les affronte et les tue, à l'aide d'une épée arrivée providentiellement. Il libère ainsi une jeune femme, Hildr, et ses deux frères, Sigmundr et Sigurðr, enfants d'un jarl d'Écosse, et s'empare d'un riche butin.

Plus tard, Hálfdan et les deux frères affrontent trois géantes (« flagðkonur »). L'une d'elle se nomme Brana. C'est elle qui a fourni à Hálfdan l'épée qui l'a sauvé dans la caverne. Elle lui explique qu'elle est la fille d'une princesse enlevée par un géant, et qu'elle est au service de cette race.

Hálfdan et ses compagnons aident Brana à tuer tous les géants. Ils séjournent ensuite dans sa caverne tout l'hiver, et Hálfdan passe les nuits en sa compagnie.

Au moment de repartir, Hálfdan apprend de Brana qu'elle est enceinte. Elle lui conseille de se rendre en Angleterre, pour y épouser la fille du roi, Marsibil, et lui offre trois présents : des herbes, qui feront naître l'amour de la princesse ; une armure, qui le protègera de tous les dangers ; un anneau, qui le préviendra des intentions de ses ennemis.

Début de la Hálfdanar saga Brönufóstra, éditée par C.C. Rafn dans les Fornaldar sögur NordrlandaDébut de la saga éditée par C.C. Rafn dans les Fornaldar sögur Nordrlanda (vol. 3)
Copenhague, 1830.
Après une halte dans l'île de Hlaðeyjar, où règne une femme nommée Hlaðgerðr, Hálfdan est accueilli à la cour du roi d'Angleterre. Là, les herbes magiques de Brana lui permettent de vainre les réticences de Marsibil.

Mais il est ensuite confronté à Áki, en charge de la défense du royaume, qui, jaloux des faveurs dont bénéficie Hálfdan, tente de le tuer à plusieurs reprises, notamment lors d'un tournoi, et s'en prend à sa sœur. Les interventions de Brana font cependant échouer ses manœuvres, même s'il parvient à tuer Sigmundr. Hálfdan se venge en le mutilant.

Puis il reconquiert son royaume, avec les navires offerts par Marsibil, auxquels s'ajoutent ceux mis à sa disposition par Hlaðgerðr. Mais, en mourant, Sóti lui jete un sort qui lui fait oublier Marsibil.

C'est Brana – qui a eu une fille de son union avec Hálfdan – qui lui fait recouvrer la mémoire. Hálfdan retourne alors en Angleterre, où il épouse finalement Marsibil, et la saga se conclut par une série de mariages1 et de festivités.

Hálfdan et Marsibil règnent sur le Danemark, puis également sur l'Angleterre. Ils ont un fils nommé Ríkarðr, et « certains disent que ce Ríkarðr aurait été le père d'Áli flekkr », héros de la saga qui porte son nom.

La Hálfdanar saga Brönufóstra est une saga légendaire qui relève typiquement de la sous-catégorie des sagas d'aventure (« Abenteuersagas »). Dépourvue de tout fondement historique, elle aborde le thème des voyages aventureux en des territoires lointains, les motif de la vengeance ou de la quête d'une épouse, se conclut heureusement, avec une série de mariages, et se compose d'un mélange d'influences : traditions nordiques, mais aussi celtiques, littérature courtoise française ou allemande et motifs de de contes de fées.

Kruse, Die Geschichte von Halfdan, dem Schützling der BranaLa saga traduite et commentée par Mathias Kruse (2009).Composée vers 1300, la saga est conservée dans trois manuscrits sur vélin bien plus tardifs (AM 152 fol. – le seul dans lequel elle figure en intégralité, AM 589 e 4to et AM 571 4to) et de très nombreux manuscrits sur papier encore plus récents, qui attestent sa popularité, tout comme les trois cycles de rímur, composés aux XVIe, XVIIIe et XIXe siècles.

Pour autant, la saga a relativement peu retenu l'attention de la recherche, qui y a vu, tout au plus, « a well-constructed tale » destiné à distraire d'« unsophisticated readers and audiences2 ».

Elle a cependant fait l'objet de plusieurs études de la part de Peter A. Jorgensen3, qui s'est notamment intéressé à l'affrontement de Hálfdan contre un couple de trolls, qu'il a rapproché des combats de Beowulf contre la mère de Grendel, pour conclure que « « the saga's description of the trek to the cave and the battle with the female monster are closer to the Old English epic version than is the famous Grettis saga or any other single Old Norse saga4 ».

La Hálfdanar saga Brönufóstra a aussi été étudiée sous l'angle du thème de la géante comme mère adoptive (le nom « fóstr » renvoie à l'adoption ou à l'éducation d'un enfant) et/ou maîtresse, ainsi que conseillère et protectrice du héros, qu'elle soit simplement utilisée à titre d'exemple d'un type qui se rencontre fréquemment dans les sagas légendaires, en particulier5, ou que le personnage de Brana ait été le sujet d'une étude plus spécifique6.

La Hálfdanar saga Brönufóstra a cependant fait l'objet d'une traduction et d'un commentaire détaillé de la part de Mathias Kruse, qui s'est livré à une étude de ses différents motifs et de leurs équivalents dans la littérature norroise.


1 Dans une variante tardive de la saga, Brana est également concernée : elle épouse le jarl Þorviðr.
2 Hermann Pálsson. Hálfdanar saga Brönufóstra. In : Dictionary of the Middle Ages. Vol. 6. Ed. Joseph R. Strayer. New York : Charles Scribner's sons, 1985.
 3 À qui l'on doit également la démonstration que la Hafgeirs saga Flateyings est un faux datant du XVIIIe siècle, et qu'elle s'est inspirée de la Hálfdanar saga. Voir : Jorgensen, Peter A., Hafgeirs saga flateyings: an eighteenth-century forgery, Journal of English and Germanic Philology, LXXVI (1977), 155-164.
 4 Jorgensen,Peter A. The Two-Troll Variant of the Bear's Son Folktale in Hálfdanar saga Brönufóstra and Gríms saga Lodinkinna. ARV, 31 (1975), 40.
 5 Ellis, Hilda R. Fostering by giants in Old Norse saga literature. Medium Ævum, 10-2 (June 1941). P. 70-85. Pour l'auteur, la récurrence de ce motif, en particulier dans des sagas légendaires, refléterait l'existence d'« old and impferfectly remembered traditions from heathen times » (p. 70), de « fragmentary reminiscences of some kind of cult connected with mountains, and with some kind of community of women with a ' father ' at their head, used partly for educational purposes for certain picked young men of the community » (p. 79).
 6 McKinnell, John. The Fantasy Giantess : Brana in Hálfdanar saga Brönufóstra. In : Fornaldarsagaerne : myter og virkelighed : studier i de oldislandske fornaldarsögur Norðurlanda. Redigeret af Agneta Ney, Ármann Jakobsson og Annette Lassen. København : Museum Tusculanums Forlag, Københavns Universitet, 2009. P. 201-222. Au-delà du personnage de Brana, McKinnell s'interroge sur la signification que l'auteur a voulu donner à la saga, pour conclure que « however capable, loving and indulgent your mother (or foster-mother) may be, you must learn to take adult responsibility for your family members, your companions, your sexual partner and the course of your own life. You can achieve success even if you make some mistakes (as you inevitably will), but you must get on with it, because the adult world will not wait for you to be ready, and time is passing faster than you think » (p. 217).
 

Traductions

  • Hannah, Robert. The Saga of Halfdan, Foster-Son of Brana. Seminar for Germanic Philology : Yearbook 4 (1981). P. 9-27.
  • Kruse, Mathias. Die Geschichte von Halfdan, dem Schützling der Brana : Übersetzung und Kommentar. München : Herbert Utz Verlag, 2009. (Münchner nordistische Studien ; Bd. 4).