Les nains (singulier dvergr, pluriel dvergar) sont des créatures souterraines ou vivant dans les pierres, réputées pour leurs talents de forgeron. Ils sont souvent associés aux esprits des morts.

L'étymologie de dvergr demeure incertaine, aucune solution pleinement convaincante n'ayant été apportée. Le nom a été rapproché du vieil-indien dhvarás : « créature démoniaque », ou rattaché aux racines indo-européennes *dhuer- : « endommager », ou *dhreugh- : « tromper ».

Les sources varient quant à l'origine des nains. Une strophe de la Völuspá (9), d'interprétation difficile, les fait naître « du sang de Brimir et des os de Bláin » (deux noms du géant primordial Ymir). Selon la Gylfaginning (ch. 14), en revanche, « les nains étaient venus à la vie dans le sol et sous la terre comme des asticots dans la chair ». « Les nains avaient d'abord pris forme et étaient venus à la vie dans la chair d'Ymir et étaient alors comme des asticots, mais par décret des dieux ils reçurent intelligence et forme humaines et ils vivent néanmoins dans la terre et dans les pierres » (ibid.). Ce mode de création asexué s'accorde avec le fait que les nains sont tous masculins.

Quelle que soit leur origine, les nains vivent bien sous la terre et dans les pierres, ainsi que dans les montagnes, comme l'attestent de nombreuses sources. Ainsi, le roi Svegðir disparaît en se lançant à la poursuite d'un nain dans une pierre (Ynglingatal, str. 2 ; Ynglinga saga, ch. 12). Dvergmáli (« paroles de nain ») signifie écho en vieux norrois. Que les nains Austri, Vestri, Norðri et Suðri soient chargés de porter la voûte céleste aux quatre points cardinaux illustre peut-être aussi cette association avec les montagnes. Plusieurs kenningar confirment le lien entre les nains et la pierre : le nain est le « seigneur de la pierre » (« holmleggjar hilmir ») et la pierre est la « maison du nain » (« dvergrann »). Les nains vivent à l'écart de la lumière : dans les Alvíssmál, Alvíss est pétrifié lorsqu'il est surpris par le lever du soleil.

Smith-BrokkrBrokkr et Eitri forgeant Mjöllnir.
Illustration d'E. Boyd Smith pour In the Days of Giants d'Abbie Farwell Brown (1902).
Dans les textes mythologiques, où les nains apparaissent très rarement, leur fonction est d'être les artisans des dieux. C'est volontairement, mais aussi parfois contraints et forcés que ces créatures tenues en piètre estime cèdent leur biens. Les nains sont le plus souvent forgerons : les frères Brokkr et Eitri ont forgé Gullinbursti , le sanglier de Freyr, Draupnir, l'anneau d'Óðinn, et Mjöllnir, le marteau de Þórr, tandis que les fils d'Ívaldi ont créé la chevelure d'or de Síf, Skíðblaðnir, le bateau de Freyr, et Gungnir, la lance d'Óðinn. Mais ce sont aussi deux nains, Fjallarr et Gallarr, qui ont brassé l'hydromel poétique. De nombreux noms de nains se rapportent à une activité artisanale et aux outils.  Dans leur fonction de créateurs, les nains ont été rapprochés des forgerons divins vivant sous terre, tel le dieu grec Héphaïstos.

Face à la brièveté des sources, les nombreux noms de nains, transmis notamment par les þulur (dont les strophes 11 à 16 de la Völuspá), ont, en effet, fait l'objet d'un examen particulier. C'est à partir d'un tel examen (mais aussi en raison de leur habitat souterrain) que les nains sont souvent interprétés comme des esprits des morts. Les noms de Blaínn (de blá : « sombre », en lien avec la décomposition), Dáinn (participe passé de deyja : « mourir »), ou les différents noms construits sur nár : « cadavre » (Náinn, Náli, Nár) illustreraient cette aspect.

L'étymologie de leurs noms permet de prêter aux nains d'autres caractéristiques. Ils sont en rapport avec la sagesse (comme Alvíss, « Celui qui sait tout », le héros malheureux des Alvíssmál, seul poème eddique ayant un nain pour personnage principal), le surnaturel et la magie (les Hávamál, str. 143 et 160, les montrent aussi détenteurs d'un savoir magique), le bruit, la bellicosité, l'éclat, la nature...

Certains noms comportent l'élément -álfr (Álfr, Álfrigg, Gandálfr, Vindálfr), témoignant d'une certaine confusion entre les nains et les elfes, également illustrée, chez Snorri, par l'identification entre nains et elfes noirs (les habitants de Svartálfaheimr). Mais, contrairement aux elfes, les nains ne semblent faire l'objet d'aucun culte ou rite.

Si les nains sont rares dans les Eddas, ils figurent en revanche fréquemment dans les sagas légendaires et les sagas de chevaliers. Ils y apparaissent tels qu'ils sont connus du folklore, c'est-à-dire petits (les sources anciennes ne font pas état de leur petite taille, ou alors de façon implicite), laids, difformes, et assistent le héros dans ses quêtes, en particulier grâce à leurs pouvoirs magiques (voir, par exemple, Möndull dans la Göngu-Hrólfs saga). Il est vraisemblable que ces sources tardives reflètent une influence européenne (celte, française, allemande).