Styrbiorn the Strong est un roman d'E. R. Eddison (1926) racontant l'histoire de Styrbjörn, un prince suédois qui périt en tentant de conquérir son royaume.

Né en 1882 à Adel, un village des environs de Leeds, Eric Rücker Eddison devint, après des études à Eton et Oxford, fonctionnaire au Board of Trade. Il mena parallèlement une carrière d'écrivain. Ses romans de fantasyThe Worm Ouroboros (1922), la trilogie du Zimiamvia (1935, 1941, 1958) – ont été salués par J. R. R. Tolkien, C. S. Lewis ou H. P. Lovecraft. Il meurt en 1945.

« Styrbiorn's name has sounded in my memory like a drum, ever since, twenty years ago, I first read the passing reference to him in the Eyrbyggja Saga. »1

 

E. R. Eddison, photographie de George BerefsordE. R. Eddison.
Photographie de George Berefsord (vers 1922).
Les sagas islandaises ont constitué une source d'inspiration pour l'ensemble de l'œuvre d'Eddison.

Il les découvrit dans sa jeunesse, d'abord par l'intermédiaire des traductions de George Webbe Dasent ou de William Morris et Eiríkr Magnússon. Par la suite, il apprit le vieux norrois et accumula les connaissances sur la période viking (étudiant ainsi de près The Viking Age de Paul du Chaillu). En 1926, il visita l'Islande, découvrant le peuple et les paysages qui avaient donné naissance aux sagas. La même année, il adhéra à la Viking Society for Northern Research.

C'est en 1922 qu'il entreprit la rédaction de Styrbiorn the Strong, qui fut publié en 1926 au Royaume-Uni par Jonathan Cape et aux États-Unis par Albert et Charles Boni. Il se consacra ensuite à établir une nouvelle traduction de l'Egils saga (Egil's saga, done into English out of the Icelandic with an introduction, notes, and an essay on some principles of translation, 1930).

The Story of the Ere-dwellers, traduction William Morris et Eiríkr Magnússon.L'Eyrbyggja saga traduite par Morris et Magnússon (1892).Aucune saga n'a été consacrée à Styrbjörn, et les références qui sont faites dans la littérature norroise à ce personnage, tombé vers 993 à la bataille de Fýrisvellir (une bataille connue de la poésie scaldique et des inscriptions runiques) sont peu nombreuses.

Il est notamment mentionné dans l'Eyrbyggja saga (ch. 29) :

« Quand Björn eut traversé l'océan il alla au Sud au Danemark et de là au Sud à Jómsborg. Pálna-Tóki commandait alors les vikings de Jómsborg. Björn entra dans leur compagnie et y fut appelé champion. Il était à Jómsborg quand Styrbjörn le fort le conquit. Björn alla en Suède quand les vikings de Jómsborg soutinrent Styrbjörn. Il était à la bataille de Fýrisvellir où Styrbjörn tomba et il s'enfuit par les bois avec les autres vikings de Jómsborg ».

Styrbjarnar þáttr Svíakappa dans le FlateyarbókLe Styrbjarnar þáttr dans la Flateyjarbók.
Stofnun Árna Magnússonar, Reykjavík.
En plus d'une autre référence dans l'Óláfs saga helga (ch. 71), l'essentiel de l'histoire de Styrbjörn apparaît dans le Styrbjarnar þáttr Svíakappa, un þáttr conservé dans la Flateyjarbók. C'est ce texte qui sert de fil conducteur à l'auteur, qui en retrace fidèlement toutes les étapes : Styrbiorn, neveu d'un défunt roi de Suède, réclame sa part du royaume à son oncle, le roi Eric. En attendant qu'il ait atteint l'âge de seize ans, et pour l'éloigner de Suède, où son fort tempérament provoque des troubles, Eric offre à Styrbiorn navires et équipages. Styrbiorn mène des expéditions vikings à l'Est, avant de rejoindre les vikings de Josmburg. Avec son armée, il se rend au Danemark où il extorque la main de Thyri, la fille du roi Harald Gormson, et l'alliance militaire du Danemark. De là, il fait route vers la Suède et affronte son oncle à Fyrisfield, au cours d'un combat qui dure trois jours. Eric, qui a sacrifié à Odin, en sort vainqueur, et Styrbiorn trouve la mort.

« Only a serious and imaginative Icelandicist would have had the wit to make such a figure the subject of a novel, and the knowledge to flesh out his tale with material from other sagas, and the confidence to narrate the tale so deftly. » (Andrew Wawn)2

 

Eddison, Styrbiorn the Strong, édition britanniqueJaquette de l'édition britannique, illustrée par Keith Henderson (Jonathan Cape).Le roman compte 243 pages en édition de poche, tandis que la longueur du þáttr dans la Flateyjarbók est inférieure à une page (feuillet 87). Eddison a donc écrit de nouvelles scènes pour approfondir les caractères des principaux personnages et leurs relations, fait intervenir des protagonistes supplémentaires (tel Biorn Asbrandson, emprunté à l'Eyrbyggja saga, qui est ici le frère juré de Styrbiorn), imaginé de nouvelles aventures (lors de ses expéditions à l'Est, Styrbiorn est ainsi réputé s'être emparé de la ceinture de Jomala, une divinité finnoise évoquée dans la Bósa saga ok Herrauds, et, de là, dans la Frithiofs saga de Tegnér), précisé l'arrière-plan de certains épisodes (ainsi, à propos des vikings de Jomsburg, évoque-t-il plusieurs de leurs chefs, ainsi que leur règle, autant d'éléments trouvés dans la Jómsvíkinga saga).

Si l'on excepte le chapitre final, qui voit Styrbiorn et ses guerriers conduits auprès d'Odin au Valhalla par les valkyries (« I chose him first I loved the best », explique alors le dieu pour justifier la mort de Styrbiorn), le seul véritable écart d'Eddison par rapport à sa source est le rôle attribué à Sigrid la superbe, l'épouse du roi Eric selon la tradition rapportée par les sagas.

Dans le þáttr, c'est l'ambition de Styrbiorn qui est à l'origine du conflit avec Eric. Dans le roman, c'est le désir de Sigrid pour Styrbiorn qui cause la rupture entre les deux hommes. Styrbiorn et Sigrid passent la nuit ensemble mais, le lendemain matin, Styrbiorn est pris de remords et rejette violemment la reine, provoquant sa haine. Un tel épisode n'est attesté nulle part, mais Eddison a expliqué qu'il était en accord avec ce que les sagas révélaient du caractère de Sigrid3. Il lui fait donc jouer le rôle d'agent du destin.

Eddison, Styrbiorn the Strong, édition américaineJaquette de l'édition américaine, peut-être illustrée par Boris Artzybasheff (Albert et Charles Boni).Il s'est pour cela particulièrement inspiré de la rencontre entre Olav Tryggvason et Sigrid à Kungahälla, telle qu'elle est rapporté dans l'Óláfs saga Tryggvasonar (ch. 61) : alors qu'il est question de leur mariage, Sigrid refuse de se convertir au christianisme. Olav la gifle alors en disant : « Pourquoi voudrais-je t'épouser, chienne païenne ? », et Sigrid lui répond : « ce pourrait bien être ta mort ». Les propos prêtés aux personnages font directement écho à la saga : au « What I have to do with thee, a faithless bitch ? » de l'un répond le « but this shall be thy death, then » de l'autre. Dans la saga, Sigrid s'attache ensuite causer la perte d'Olav, tout comme elle le fait avec Styrbiorn dans le roman.

En racontant l'histoire de Styrbjörn, Eddison s'inscrit dans la continuité de nombreux auteurs ayant proposé des versions romancées de sagas (Maurice Hewlett, par exemple). Dans la lettre dédicatoire adressée à son frère4, il précise l'esprit de sa démarche : il ne s'agit, ni de réécrire les sagas pour les mettre au goût du jour – elles n'en ont, d'ailleurs, pas besoin, ni d'imiter les auteurs de sagas, mais de raconter l'histoire à sa façon, tout en conservant l'esprit des sagas : « the spirit of the sagas I hope is in it, for that is a living spirit : one of the greatest, as I think, that human history can show », et leur « atmosphere of tragic and epic grandeur »5.

En plus de leur esprit, Eddison s'inspire également de l'objectivité des sagas : il se contente de rapporter les paroles et les actes des personnages, sans prendre parti, ni porter de jugement.

Eddison, Styrbiorn the Strong, rééditionCouverture de la réédition publiée par les University of Minnesota Press.Quant au style, en revanche, il est éloigné de la sobriété et de la concision des chefs-d’œuvre islandais. Composant dans une langue archaïque, jacobéenne (« The King withholdeth not thine inheritance, Styrbiorn. He hath promised, and he will give it thee, as well thou knowest. But time is not yet. Thou art yet but fifteen winters old », ch. I), Eddison emploie un vocabulaire riche et construit des phrases longues et très travaillées, comme l'illustre cet extrait du chapitre XI, lorsque Styrbiorn contemple les flots du haut des remparts de Jomsburg :

« Fierce and sullen was the countenance of Styrbiorn, yet quiet, as of a fierce beast charmed with music, as he watched that dance of the rolling surges sweeping and pausing and falling and rising again : Ran's eternal children leading their round as if in sad ceremonial observance of some divinity hidden apart, removed form all knowledge or communion of human kind ; and listened to the swelling roar of the breaker as it rod on, the thud and thunder of its fall, and the grinding hiss of the shingle in the back-wash, as if wrath, which is older than the world and older than the Gods, drew in its breath once again, pondering some greater mischief. »

Éditions

  • Eddison, E.R. Styrbiorn the Strong. Illustrated by Keith Henderson. London : Jonathan Cape, 1926.
  • Eddison, E.R. Styrbiorn the Strong. Afterword by Paul Edmund Thomas ; illustrations by Keith Henderson. Minneapolis : University of Minnesota Press, 2011.

Illustration de Styrbiorn the Strong, Keith Henderson


1 Lettre dédicatoire, adressée à son frère Colin, conservée à la bibliothèque centrale de Leeds et publiée pour la première fois dans la réédition de Styrbiorn the Strong parue en 2011.
2 Préface de : Old Norse made new : essays on the post-medieval reception of Old Norse literature and culture. Ed. by David Clark and Carl Phelpstead. London : Viking Society for Northern Research, University College London, 2007. P. vi.
3 Note conclusive du roman, également publiée pour la première fois dans la réédition de 2011.
4 Lettre citée supra.
5 Note citée supra.