Les Gamanvísur (« Strophes plaisantes ») sont une série de strophes dans lequelles le futur roi Haraldr Sigurðarson se vante de ses exploits.

Gamanvísur  dans la HuldaLes Gamanvísur dans la Hulda (1350-1374).
Reykjavík, Stofnun Árna Magnússonar.
La Morkinskinna rapporte qu'elles ont été composées après le départ de Haraldr de Miklagarðr (Constantinople), où il servait dans les varègues, durant son voyage jusqu'à Holmgarðr (Novgorod), vers 1043-1044. « Et pendant ces voyages, Haraldr composa les Gamanvísur, et il y en a seize, et la plupart ont la même fin, bien que quelques unes [seulement] soient écrites ici. »

La Morkinskinna (de même que la Hulda et la Hrokkinskinna) n'en cite en effet que six. La Heimskringla et la Fagrskinna en ont conservé une, introduite pratiquement dans les mêmes termes, avec cette nuance que l'une et l'autre affirment que toutes les vísur ont la même fin. Un bâtonnet runique retrouvé à Bergen (N  B88) contient également une variante du début de l'une des stophes.

Les vísur de la Morkinskinna contiennent, une exceptée, des épisodes de la vie Haraldr. Ce sont des scènes de bataille et de navigation. Seules deux peuvent être situées dans le temps et dans l'espace : l'une évoque clairement la bataille de Stiklarstaðir en 1030 (il est question d'une rencontre ou d'un combat avec les « Þrœndir », les fermiers du Trøndelag) et la mort d'Óláfr (« le jeune roi tombé dans la mêlée ») ; l'autre, mentionnant la Sicile, se rapporte à une expédition à laquelle Haraldr prit part lorsqu'il était varègue. Bien que l'événement auquel elle se rattache soit plus tardif, c'est cette strophe qui est citée en premier.

Comme annoncé, ces différentes vísur s'achèvent toutes de la même façon, par le refrain « þó lætr Gerðr í Gǫrðum gollhrings við mér skolla ». « Gerðr gollhrings » (« la Gerðr de l'anneau d'or ») est une kenning désignant une femme, et la femme « í Görðum » (« en Russie ») est Elisabeth ou Ellisif, la fille du roi de Russie (Garðaríki) Iaroslav, ainsi que l'indiquent les sagas. Dans ce refrain, Haraldr reproche à Ellisif de ne pas avoir répondu favorablement à ses avances. De fait, ce n'est qu'à son retour de Constantinople qu'il put l'épouser.

Dans la strophe restante, Harladr se vante de posséder huit talents (« íþróttir ») : il compose de la poésie (« forge la boisson d'Yggr ») ; il se déplace à cheval, à la nage, à skis, il sait tirer et ramer ; il comprend la harpe et la poésie. Cette strophe ressemble fortement à une lausavísa de Rögnvaldr Kali Kolsson, dans laquelle le jarl énumère ses neuf talents. La seconde demi-strophe est même identique. Son attribution à Haraldr est donc incertaine1, et elle pourrait avoir été empruntée à l'Orkneyinga saga.

Quant à la forme, Gabriel Turville-Petre a jugé que « les strophes conservées des Gamanvísur sont assez plaisantes, mais il est clair qu'elles n'elles ne sont pas l'œuvre d'un poète professionnel, et Haraldr s'autorise des libertés qu'il n'aurait pas tolérées chez Þjóðólfr [Arnórsson]. Certaines de ses lignes ont une rime pleine à la place d'une demi-rime, d'autres une demi-rime à la place d'une rime pleine, et certaines pas de rime du tout2».


1 Peut également faire l'objet d'un conflit d'attribution le premier helmingr de la troisième strophe, attribué à Njáll Þorgeirsson, le héros de la Njáls saga, dans les Skáldskaparmál. Il s'agit toutefois de ses seuls vers, et il paraît en conséquence douteux qu'il les ait composés.
2 Turville-Petre, Gabriel. Haraldr the Hard-Ruler and his poets : the Dorothea Coke Memorial Lecture in Northern Studies delivered at University College London, 1 December 1966. London : published for the College by H. K. Lewis, 1968 P. 19.

Sources

  • Gamanvísur. Edited by Kari Ellen Gade. In : Poetry from the kings' sagas 2 : from c.1035 to c.1300. Edited by Kari Ellen Gade. Turnhout : Brepols, 2009. (Skaldic poetry of the Scandinavian Middle Ages ; v. 2). P. 35-41.
  • Morkinskinna : the earliest Icelandic chronicle of the Norwegian kings (1030-1157). Translated with introduction and notes by Theodore M. Andersson and Kari Ellen Gade. Ithaca, N.Y. : Cornell University Press, 2000. (Islandica ; v. 51). P. 30-31, 148-149 et 472-473.