Eiríkr ou Eirekr est, avec Agnarr, l'un des fils de Ragnarr Loðbrók et de Þóra. Les deux frères meurent à la suite d'un combat contre le roi de Suède Eysteinn beli.

Mort d'Eirikr dans le manuscrit NKS 1824 b 4toRécit de la mort d' Eirekr dans la Ragnars saga loðbrókar.
Manuscrit islandais NKS 1824 b 4to (vers 1400).
Den gamle kongelige samling, Det kongelige bibliotek, Copenhague.
Cette filiation est connue aussi bien de la Ragnars saga Loðbrókar (ch. 4) et du Þáttr af Ragnars sonum (ch. 1), que de la Skjöldunga saga, aujourd'hui disparue, mais dont des fragments ont subsisté dans les Rerum Danicarum Fragmenta, compilés par Árngrimur Jónsson au XVIe siècle. La filiation avec Ragnarr est aussi connue de Saxo Grammaticus dans sa Gesta Danorum (Livre IX), mais il attribue une autre mère aux deux frères1.

Doit cependant être relevé le fait qu'Eiríkr/Eirekr, contrairement à Agnarr, est absent du Háttalykill et du Krákumál, reflétant peut-être le fait qu'à l'origine, Agnarr jouait un rôle plus important.

Les circonstances de la mort des deux frères sont relatées de façon différente selon les sources.

D'après le Þáttr af Ragnars sonum (ch. 2), dépositaire d'une tradition plus ancienne que la saga telle qu'elle est actuellement conservée, Ragnarr, hostile aux conquêtes de ses différents fils, avait installé Eysteinn beli comme roi de Haute-Suède, à charge pour lui de défendre le royaume, y compris contre ses fils, le cas échéant.

De fait, en l'absence de Ragnarr, Eiríkr et Agnarr se rendirent en Suède. Eiríkr, l'aîné, exigea la soumission d'Eysteinn, ainsi que la main de sa fille. Le roi s'y opposa et, lors de la bataille qui s'en suivit, les deux frères furent vaincus. Agnarr périt au combat, tandis qu'Eiríkr fut fait prisonnier.

Eysteinn lui offrit alors compensation, ainsi que la main de sa fille. Mais Eiríkr refusa de survivre à sa défaite, et exigea de périr, transpercé par des lances, au-dessus des guerriers morts au combat :

« Je ne veux ni obtenir réparation pour mon frère
ni acheter d'épouse à ce prix-là,
ni entendre dire qu'Eysteinn est désormais le meurtrier d'Agnarr ;
aucune mère ne me pleurera,
je mourrai élevé au-dessus des morts,
laissez-moi être transpercé
par des pointes d'épieux dressées !2»
 

Avant de mourir, il déclama encore :

« Portez la nouvelle là-bas,
quand ceux qui sont partis à l'Est auront péri,
et qu'Áslaug, la gracieuse dame,
reçoive mes anneaux !
Alors courageusement,
après avoir appris mon trépas,ma belle-mère en informera
ses généreux fils2».
 

Il a été suggéré que ce don traduirait une passion secrète d'Eiríkr pour sa belle-mère, que rien ne vient confirmer par ailleurs.

Áslaug obtint de ses enfants qu'ils vengent leurs demi-frères, et les accompagna dans leur expédition, sous le nom de Randalín.

La saga (ch. 10) rapporte un motif différent à la mort des deux frères. Ils entreprirent d'attaquer Eysteinn, devenu hostile à Ragnarr, après que celui-ci eut rompus ses fiançailles avec la fille du roi.

L'issue du combat fut en revanche identique, et Eirekr mourut pareillement, tout en déclamant deux strophes supplémentaires.

En apprenant la nouvelle, Áslaug versa, fait sans précédent, et jamais vu ensuite, des larmes semblables à du sang et dures comme des grêlons.

Dans la saga aussi, elle parvint à convaincre ses enfants de venger leurs demi-frères, mais non sans difficultés, et avec le soutien du plus jeune de ses fils, Sigurðr Serpent dans l'Œil.

Chez Saxo, qui ignore Áslaug, Ericus est, avec Regnaldus et Withsercus, l'un des fils nés de l'union de Regnerus Lothbrog avec Suanlogha. Surnommé « Au Bonnet venteux » (« Ventosi Pillei »)3, il fut placé par son père à la tête de la Suède, mais mourut victime de la malignité d'un certain Ostenus. Ostenus est également responsable de la mort d'Agnerus, son demi-frère, fils de Thora, désireux de le venger.

Aucun détail supplémentaire n'est fourni sur les circonstances de la mort d'Ericus, qui a lieu, cependant, après celle de Regnerus, alors qu'elle la précède dans la saga et le þáttr.

En revanche, le motif de la mort héroïque est attribué, sans doute sous l'influence du récit de la fin d'Eiríkr/Eirekr, à un autre fils de Regnerus, Withsercus qui, vaincu par Daxon, roi de l'Hellespont, refuse la main de sa fille et la moitié de son royaume, et préféra périr brûlé avec ses compagnons survivants.

Il est également à noter que, plus tôt dans son œuvre (Livre V), Saxo évoque un autre Ericus, surnommé, lui, Disertus, dont le père se nomme également Regnerus, et qui est protégé par une belle-mère nommée Craca, soit l'équivalent de Kráka, l'autre nom d'Áslaug/Randalín. Une série de détails convergents dans leurs deux histoires ont conduit à établir un lien entre les deux personnages, même s'il est difficile de déterminer dans quel sens s'est produit l'emprunt, s'il n'est pas réciproque.


1 Plus incidemment, Eiríkr et Agnarr sont aussi présentés comme les fils de Ragnarr dans les Lögmanns-annáll, composées en Islande en 1360 ou 1361, qui datent leur mort de l'an 839.
2 Saga de Ragnarr aux Braies velues suivie du Dit des fils de Ragnarr et du Chant de Kráka. Textes traduits du norrois et postface par Jean Renaud. Toulouse : Anacharsis, 2005. P. 78.
3 Un personnage à rapprocher d'une figure du folklore suédois, le roi Erik Wäderhat, dont, ainsi que son surnom l'indique, le chapeau avait la propriété de décider du temps, puisque le vent soufflait dans la direction dans laquelle il le tournait.