Le Þorsteins þáttr uxafóts (« Dit de Þorsteinn patte-de-bœuf ») est un þáttr composé au XIVe siècle. Il raconte la vie de Þorsteinn et ses aventures légendaires.
þættir conservés dans la Flateyarbók, où il est intégré à l'Óláfs saga Tryggvasonar.
C'est l'un desAu début du Þorsteins þáttr uxafóts, il est question de la colonisation de l'Islande, des institutions et des lois païennes, un matériau traité dans la Landnámabók1.
Þorkell vivait en Islande avec sa soeur Oddný. Un puissant norvégien, Ívar, surnommé ljómi (« le splendide ») passa l'hiver chez eux. Quand il repartit, Oddný était enceinte, mais Ívar refusa de reconnaître l'enfant. Honteux, Þorkell décida de l'abandonner en forêt2. Mais il fut recueilli par un voisin, qui le nomma Þorsteinn et l'éleva. Plus tard, il retourna chez sa mère et son oncle.
Alors qu'il était âgé de dix ans, il passa la nuit près d'un tertre. Le tertre s'ouvrit. S'y trouvaient douze revenants habillés de rouge, et douze autres habillés de bleu, les uns accueillants, les autres hostiles3. Avec l'aide des premiers, il vainquit les seconds. Il se vit prédire de nombreux autres actes de bravoure à l'étranger, ainsi qu'un changement de religion.
Plus tard, Þorsteinn se rendit en Norvège, alors qu'Ólafr Tryggvason venait de succéder au jarl Hákon le sacrificateur. Une ogresse (« flagð »4) semait alors la terreur dans la forêt de Heiðarskógr. Þorsteinn s'y rendit avec son compagnon Styrkár. Ils vainquirent toute une famille de trolls monstrueux, après avoir fait vœu de se convertir au christianisme et de servir Óláfr.
Þorsteinn se rendit ensuite auprès du roi. Il se fit reconnaître par son père, fut baptisé et entra au service d'Óláfr. Il acquit du roi son surnom d'uxafót après avoir arraché la patte du bœuf sacrificiel d'un lendr maðr qui continuait à faire des sacrifices en secret.
Des sorcières se manifestèrent une nouvelle fois dans la forêt de Heiðarskógr. Þorsteinn et Styrkár y découvrirent la fille de la famille de trolls qu'ils avaient exterminée, et furent attaqués par douze ogres. Ils les vainquirent et s'emparèrent de grandes richesses. Þorsteinn épousa la sœur de Styrkár et demeura au service du roi jusqu'à sa mort sur le Long Serpent.
Le Þorsteins þáttr uxafóts présente une structure biographique inhabituelle pour un þáttr, relatant une succession d'aventures plutôt qu'un épisode unique. Avec ses combats contre des créatures fantastiques, il se rapproche d'une saga légendaire telle que l'Örvar-Odds saga, même si, au contraire des textes appartenant à cette catégorie, son héros est islandais et l'histoire se déroule après la colonisation de l'Islande5.
À l'image d'autres récits légendaires (l'Orms þáttr Stórólfssonar, par exemple), le Þorsteins þáttr met en scène plusieurs personnages historiques. Ívar est ainsi connu des sagas royales. Compagnon du roi Óláfr Tryggvason, il fut tué sur le Long Serpent. Þorsteinn (dont les sources ne mentionnent pas la parenté avec Ívar) est également réputé avoir été présent à la bataille de Svolder (mais non y avoir péri). L'Óláfs saga Tryggvasonar hin mesta rapporte d'ailleurs un dialogue qui aurait eu lieu entre Þorsteinn et le roi au cours de la bataille. Alan L. Binns a en conséquence suggéré que le þáttr pourrait avoir un point de départ historique6.
Elizabeth Ashman Rowe a analysé le þáttr sous l'angle du contact entre paganisme et christianisme et de la conversion au christianisme7. S'agissant du premier thème, le parallèle est particulièrement évident avec le Sörla þáttr (dont le héros chrétien n'est autre qu'Ívar, le père de Þorsteinn), l'affrontement entre les deux groupes de revenants vivant dans le tertre étant comparable au combat éternel entre les hommes de Heðinn et ceux de Högni. Dans les deux cas, seul un chrétien ou un futur chrétien peut y mettre un terme. Quant à la seconde thématique, le motif du héros sauvé d'une situation périlleuse par la prière rappelle la Hallfreðar saga vandræðaskálds ou la Gull-Þóris saga8, tandis que le lien entre conversion et conflit familial apparaît aussi dans le Sveins þáttr ok Finns, le Rognvalds þáttr ok Rauðs et le Helga þáttr ok Úlfs9.
Traduction
- Le Dit de Þorsteinn patte-de-bœuf. In : Boyer, Régis. Les Sagas miniatures (þættir). Paris : Les Belles Lettres, 1999.
1 Sur les liens entre le þáttr et les différentes versions de la Landnámabók, voir Binns, Alan L. The story of Þorsteinn uxafót. Saga-Book XV (1957-61), 42-50.
2 Pratique connue sous le nom d'exposition (« útburðr ») d'un enfant.
3 Représentant peut-être les aspects positifs et négatifs du paganisme. Voir : Weber, Gerd Wolfgang. Siðaskipti. Das religionsgeschichtliche Modell Snorri Sturlusons in Edda und Heimskringla. In : Sagnaskemmtun: studies in honour of Hermann Pálsson. Ed. by Rudolf Simek, Jónas Kristjánsson, Hans Bekker-Nielsen. Wien : H. Böhlaus, 1986. P. 309-311.
4 Flagð est le terme qui apparaît le plus souvent, mais l'auteur emploie aussi ceux de tröllkona et de skessa, de sens comparable.
5 Ashman Rowe, Elizabeth ; Harris, Joseph. Short prose narrative (þáttr). In : A companion to Old Norse-Icelandic literature and culture. Ed. By Rory McTurk. Malden, Mass. : Blackwell, 2005. P. 463-464.6 Binns, op. cit., p. 39-42.
7 Ashman Rowe, Elizabeth. Þorsteins þáttr uxafóts, Helga þáttr Þórissonar, and the Conversion Þættir. Scandinavian Studies 76 (2004), 459-474.
8 Binns, op. cit., p. 55.
9 Harris, Joseph. Folktale and Thattr: The Case of Rognvald and Raud. Folklore Forum 13 (1980), 163-164.