L'Orms þáttr Stórólfssonar (« Dit d'Ormr Stórólfsson ») est un þáttr narrant les exploits d'Ormr Stórólfsson. Ormr a réellement existé, mais le þáttr lui prête des aventures légendaires.

Début de l'Orms þáttr Stórólfssonar dans le FlateyarbókLe début de l'Orms þáttr Stórólfssonar dans la Flateyarbók.
Stofnun Árna Magnússonar, Reykjavík.
Les premiers chapitres du þáttr évoquent la jeunesse de l'Islandais Ormr, fils de Stórólfr, lui-même fils de Ketill hængr. Bien que paresseux, ce qui suscite l'hostilité de son père, il démontra, en plusieurs circonstances, une force exceptionnelle.

À l'âge de trente ans, Ormr partit en Norvège, où il se lia de fraternité jurée avec le Danois Ásbjörn. Une voyante avait prédit à ce dernier qu'il mourrait s'il se rendait au nord du Norðmærr, en Norvège.

Ormr et Ásbjörn menèrent pendant plusieurs années des expéditions vikings avant de se séparer. Tandis qu'Ormr retournait en Islande, où il vengea son père, victime d'une querelle de voisinage, Ásbjörn se rendit sur les îles de Sauðey, au nord du Norðmærr.

Sur la plus grande régnait le géant Brúsi, grand troll et cannibale. Sa mère avait la forme d'une chatte noire géante. Elle massacra l'équipage d'Ásbjörn, qui fut lui-même éviscéré par Brúsi. Il déclama alors un chant de mort.

Apprenant la nouvelle, Ormr, qui s'était entre temps fait baptiser, partit pour Sauðey. La première nuit, pendant son sommeil, il reçut la visite d'une femme nommée Menglöð, demi-sœur de Brúsi, qui lui remit des gants décuplant sa force.

Il se rendit alors à la caverne de Brúsi. Après avoir fait vœu à Dieu et à saint Pierre de se rendre à Rome, il parvint à vaincre la mère du géant. Quant à Brúsi, il lui arracha le visage avant de lui faire subir le supplice de l'aigle de sang.

De retour de son pèlerinage, il séjourna ensuite auprès du jarl des Hlaðir Eiríkr Hákonarson. Après qu'Ormr eut affirmé qu'il aurait fallu davantage de temps pour prendre le Long Serpent du roi Óláfr lors de la bataille de Svöldr s'il s'était trouvé à bord, il démontra sa force en vainquant des dizaines des hommes du jarl à l'aide d'un simple mât, et devint membre de sa hirð. Quelques années plus tard, il rentra en Islande où il mourut de vieillesse.

L’Orms þáttr met en scène un personnage principal dont l'existence est avérée, et ayant vécu au Xe siècle : la Landnámabók (S 344/H 303), la Njáls saga (ch. 19), l’Egils saga (ch. 23), la Bárðar saga (ch. 5, 9, 10) connaissent un Ormr le fort (« inn sterki »), fils de Stórólfr, et dans la Grettis saga (ch. 58) apparaît le jugement suivant : « la plupart des gens considèrent que Grettir a été l'homme le plus fort du pays depuis qu'Ormr Stórólfsson et Þórálfr Skólmsson ont cessé leurs épreuves de force ». L’Íslendingadrápa de Haukr Valdísarson (str. 15) évoque, quant à elle, l'affrontement entre Ormr et les hommes du jarl.

Les premiers et les derniers chapitres du þáttr, relatant la jeunesse du héros et finalement son séjour auprès d'Eiríkr Hákonarson, s'inscrivent, de fait, dans la veine réaliste des sagas d'Islandais, sans qu'il soit possible de distinguer entre les traditions relatives à Ormr et l'inventivité de l'auteur1. En revanche, l'apparition d'éléments fantastique – le géant, la chatte monstrueuse, les gants de force... – rapprochent l'Orms þáttr des sagas légendaires.

La recherche a identifié deux influences principales, l'une provenant d'une saga d'Islandais – la Grettis saga, pour ce qui est de l'enfance du héros, personnage paresseux, en confit avec son père, mais doté d'une force hors du commun, l'autre d'une saga légendaire – l’Örvar-Odds saga : la prophétie de la völva, le meurtre du frère juré par un monstre, et sa vengeance2.

L’Orms þáttr a également retenu l'attention des chercheurs dans la mesure où certains ont voulu établir un parallèle entre le combat entre Ormr, Brúsi et sa mère et celui opposant Beowulf à Grendel et à sa mère3. Cette opinion a été notamment critiquée par R.C. Boer4, et d'autres après lui.

Selon Finnur Jónsson,le þáttr aurait été rédigé vers 13005, mais, pour Anthony Faulkes, il date plus vraisemblablement du deuxième ou du troisième quart du XIVe siècle6.

L'Orms þáttr, qui a probablement été d'abord une histoire indépendante6, a été préservé dans la Flateyjarbók, au sein de l'Óláfs saga Tryggvasonar en mesta. Son intégration à la saga peut se justifier par sa chronologie, qui permet de faire la transition entre les sagas des deux rois Óláfr7, ou par l'évocation de la bataille de Svöldr qui conduit à l'affrontement entre Ormr et les hommes du jarl, lors duquel Ormr apparaît comme « une sorte de champion du défunt roi Óláfr Tryggvason »8.

Elisabeth Ashman Rowe a quant à elle tenté de démontrer que l'Orms þáttr et les autres þættir ajoutés à l'Óláfs saga par Jón Þórðarson, le premier scribe de la Flateyarbók, s'inscrivaient dans un cadre religieux, celui de l'histoire du salut, où ils s'articulent autour de la conversion, et politique, celui des relations entre la Norvège et l'Islande, où le roi de Norvège est vu comme le père du peuple islandais. Sur ces deux plans, l'Orms þáttr représente un aboutissement : il montre un Islandais qui, non seulement n'est pas dépendant du père spirituel qu'est Óláfr – ce n'est pas à lui qu'il doit sa conversion, ce n'est pas lui qu'il invoque dans l'épreuve, mais a même « le pouvoir de sauver l'agent du salut spirituel lui-même », comme le montre la scène du combat chez le jarl9.

L'histoire d'Ormr a également fait l'objet de deux ballades rédigées aux Féroé, et deux en Suède.

Édition

 

Traductions

  • Le Dit d'Ormr fils de Stórólfr. In : Boyer, Régis. Les Sagas miniatures (þættir). Paris : Les Belles Lettres, 1999. P. 331-354.
  • Orm Storolfsson's Tale. Transl. by Matthew Driscoll. In : The complete sagas of Icelanders, including 49 tales. Vol. III. General editor, Viðar Hreinsson ; editorial team, Robert Cook et al. ; introduction by Robert Kellogg. Reykjavík : Leifur Eiríksson Publishing, 1997. P. 455-467.
 

1 Faulkes, Anthony. Introduction de : Two Icelandic stories. Ed. by Anthony Faulkes. London : Viking Society for Northern Research, University College London, 2008. P. 34.
2 Boer, R. C. Zur Grettissaga. Zeitschrift für deutsche Philologie, XXX (1898), 65-71.
3 Par exemple :Bugge, Sophus. Studien über das Beowulfepos. Beiträge zur Geschichte der Deutschen Sprache und Literatur, XII (1887), 58–68.
4 Boer, op. cit., p. 65 f. Boer affirme que le seul véritable point commun entre les deux œuvres est le combat du héros contre un monstre et sa mère.
5 Finnur Jónsson. Den oldnorske og oldislandske Litteraturs Historie. 2. udg. København : Gad, 1923. 2. bind. P. 758.
6 Faulkes, op. cit., p. 35.
7 Würth, Stefanie. Elemente des Erzählens : die þaettir der Flateyjarbók. Basel ; Frankfurt am Main : Helbing & Lichtenhahn, 1991. P. 57.
8 Faulkes, op. cit., p. 26.
9 Ashman Rowe, Elizabeth. Cultural Paternity in the Flateyjarbók Óláfs saga Tryggvasonar. alvíssmál, 8 (1998), 3–28.