Skaði est une géante, fille de Þjazi et épouse de Njörðr, une union obtenue en compensation de la mort de son père. Elle est associée aux skis et à la chasse.

Les poèmes eddiques et scaldiques sont discrets au sujet de Skaði. Snorri l'évoque de façon plus détaillée dans son Edda.

Il raconte ainsi comment la géante fut amenée à intégrer la société des dieux (Skáldskaparmál, ch. 1).

Après la mort de son père1, Þjazi, mis à mort par les Ases après avoir enlevé Iðunn, Skaði se rendit à Ásgarðr avec ses armes pour le venger – jouant ainsi un rôle traditionnellement dévolu à l'homme (mais il est vrai que son nom même est de forme masculine).

Un arrangement fut cependant trouvé avec les dieux.

Elle obtint d'abord de choisir un époux parmi les Ases (là aussi une prérogative masculine), mais à la seule vue de leurs pieds. Elle désigna celui qui avait les plus beaux pieds, estimant qu'il devait s'agir de Baldr, mais c'était en réalité Njörðr (peut-être parce qu'en tant que dieu de la mer, il avait les pieds les plus propres, car baignés par les flots).

Elle exigea aussi que les dieux la fissent rire. Pour cela, Loki attacha une corde à la barbe d'une chèvre, et l'autre à ses testicules. Ils tirèrent chacun leur tour en poussant de hauts cris, jusqu'à ce que Loki tombe sur les genoux de Skaði, provoquant finalement le rire de la géante.

Ces deux épisodes ont été associés, aussi bien à d'anciens mythes (le premier trouverait son équivalent dans le domaine grec ou indien) ou pratiques rituelles (qu'attesteraient, pour le premier épisode, les traces de pieds représentées dans les pétroglyphes de l'âge du bronze) que rapprochés de motifs de contes de fées (le choix du fiancé à partir de ses pieds évoque aussi Cendrillon).

Óðinn prit encore les yeux de Þjazi, les lança au ciel et en fit des étoiles.

Niorder et Skadi en route pour Noatun, Friedrich Wilhelm HeineFriedrich Wilhelm Heine (d'après W. Engelhard), Niorder et Skadi en route pour Noatun.
Illustration de Nordisch-germanische Götter und Helden de W. Wägner (1882).
Le mariage de Skaði avec Njörðr est un échec (Gylfaginning, ch. 23).

Tandis que la géante voulait vivre dans les montagnes du Nord, Njörðr souhaitait demeurer au bord de la mer. Aussi décidèrent-ils de passer neuf nuits à Þrymheimr, l'ancien domaine de Þjazi, et trois à Nóatún, celui de Njörðr.

Ce motif de l'alternance du domicile a été associé au cycle des saisons, comme dans le mythe de Perséphone.

Mais Skaði se déplut autant à Nóatun que Njörðr à Þrymheimr, comme l'attestent deux strophes eddiques citées par Snorri. Elles ne sont pas conservées ailleurs, mais étaient sûrement connues de Saxo Grammaticus qui, dans la Gesta Danorum (Livre I, viii), raconte l'histoire de Haddingus et Regnilda (une version evhémériste de celle de Njörðr et Skaði), qui déclament des strophes équivalentes en latin. Une strophe de Þórðr Særeksson confirme l'insatisfaction de Skaði dans son mariage avec Njörðr (Skáldskaparmál, ch. 6).

La géante revint alors définitivement habiter les montagnes.

Il semble peu probable que Freyr et Freyja soient les enfants de Skaði. L'Ynglinga saga, notamment (ch. 4) les fait naître de l'union de Njörðr et de sa sœur. Cependant, dans son Edda, Snorri écrit, à la suite du chapitre consacré au mariage de Njörðr et Skaði, que « Njörðr de Nóatúnum eut ensuite deux enfants, un fils appelé Freyr et une fille appelée Freyja ». Et dans les Skírnismál (str. 1), c'est Skaði qui envoie Skírnir s'enquérir de l'état de Freyr.

Snorri indique dans l'Ynglinga saga (ch. 8) que Sjaði, qui ne voulait pas vivre avec Njörðr, épousa ensuite Óðinn, dont elle eut de nombreux enfants, parmi lesquels Sæmingr. Cette union et la naissance de Sæmingr (ancêtre du jarl Hákon) sont aussi évoqués par Eyvindr skáldaspillir dans le Háleygjatal (str. 2).

Ce mariage avec Njörðr puis avec Óðinn (auquel s'ajoute, peut-être, la liaison dont se vante Loki dans la Lokasenna, str. 52) explique l'expression « épouse des dieux » qui est parfois employée pour la désigner (« goðbrúðr » dans la strophe de strophe de Þórðr Særeksson évoquée plus haut ; « brúðr goða » dans les Grímnismál, str. 11).

Lors du supplice de Loki (Gylfaginning, ch. 50 ; conclusion en prose de la Lokasenna), c'est Skaði qui attache un serpent au-dessus de Loki, de sorte que son venin goutte sur son visage, sans doute pour se venger de son rôle dans la mort de son père (dont il se vante dans le Lokasenna, str. 50).

Snorri ajoute encore (Gylfaginning, str. 23) que Skaði se déplace à skis, tire à l'arc, et chasse les animaux sauvages. Elle est appelée « divinité du ski » (« öndurguð ») ou « dise du ski » (« öndurdís »). Ces noms se retrouvent en poésie scaldique ancienne : Skaði est appelée « öndurdís » dans la Ragnarsdrápa de Bragi Boddason (str. 20) et le Háleygjatal (str. 2).

Le dieu Ullr est aussi associé aux skis (« öndurás »), à l'arc et à la chasse, et une lien entre les deux divinités a été suggéré mais rien dans les rares sources disponibles ne permet de l'étayer.

Skaði apparaît donc comme une divinité chasseresse, une sorte d'Artémis nordique, associée à l'hiver, voire à l'obscurité (son nom a été rapproché du gotique skadus, de l'anglo-saxon sceadu... signifiant « ombre », « obscurité ») et à la mort.

Dans la Lokasenna (str. 51), Skaði évoque ses « temples ». Il est possible qu'il ait en effet existé des lieux de culte associés à Skaði, notamment en Suède (Skedevi, Skedvi...). Il n'est toutefois pas certain qu'il s'agisse bien de toponymes cultuels.


1 Skaði apparaît comme la fille de Þjazi dans les Grímnismál (str. 11) et le Hyndluljóð (str. 30, dans la Völuspá hin skamma). Elle est aussi présentée comme une géante dans le Háleygjatal d'Eyvindr skáldaspillir (str. 2).